Chapitre 5




La longue course vers le fond




Des Anglais créatifs et des Chinois économes


La différence béante entre les misérables ouvriers des sweatshops* de l'Est et les riches consommateurs de l'Ouest est un phénomène relativement récent. Kenneth Pomeranz a démontré de façon convaincante que jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, la Chine rivalisait avec l'Europe selon toutes les mesures de qualité de vie et de développement1. Dans une étude méticuleuse de données, allant de la durée de vie jusqu'au développement technologique, en passant par la consommation de sucre ou de vêtements et la sophistication des marchés, Pomeranz montre qu'à cette date la Chine était plutôt plus développée du point de vue industriel que les régions les plus avancés d’Europe. Les voyageurs revenant de Chine à cette époque s'accordaient pour trouver ce pays supérieur à l'Europe en terme de prospérité, de politique et de culture artistique2. Pourtant, même si les deux régions étaient au départ dans une situation comparable, l'Europe progressa rapidement dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Les chercheurs continuent à débattre des causes de ce que Pomeranz a appelé « la Grande Divergence » qui survint à cette époque-là, mais il ne fait pas de doute que l'essor de l'Europe a commencé avec la Révolution industrielle. Et la Révolution industrielle prit naissance dans les usines textiles de coton qui habillèrent une grande partie de la population avec des vêtements utilitaires et bon marché dont la fonction sinon la forme était très similaire à nos tee-shirts actuels.

A l’origine, en Chine, les articles textiles étaient fabriqués dans les familles. Celles-ci étaient en général autosuffisantes en matière de textile et de vêtement ; chaque étape du processus – le filage, le tissage, la coupe et la confection – était réalisée à la maison. En revanche, dès le début du XVIIIe siècle, et particulièrement en Angleterre, la production textile avait commencé à être une tâche spécialisée. Le filage du coton et de la laine continuait à être une activité domestique d'appoint, mais en Grande-Bretagne l'activité de tissage passa peu à peu vers des artisans. Le système, dit du putting-out, évolua ainsi : les familles continuaient à produire du fil, mais elles ne faisaient plus leur tissu elles-mêmes, elles confiaient leur fil à des tisserands. Un voyageur anglais en Chine vers 1850 s'émerveillait de l'autosuffisance des « Chinois économes » qui savaient réaliser dans leurs foyers toutes les phases de production :


Tous les bras de la ferme, jeunes et vieux ensemble, se mettaient au cardage, à la filature et au tissage du coton ; et avec ce produit fabriqué à la maison, une toile solide et durable,... ils cousaient leurs propres vêtements, ils apportaient ensuite le surplus à la ville voisine... C'est peut-être une caractéristique spécifique de la Chine, parmi tous les pays du monde, que dans chaque foyer bien tenu on trouve un métier à tisser. Les populations des autres nations s'arrêtent avant cette étape, et envoient leur fil à un artisan tisserand pour en faire du tissu. C'est le mérite du Chinois économe que d'avoir porté cette activité jusqu’à la perfection. Non seulement il carde et file son coton, mais il le tisse lui-même avec l'aide de ses épouses et de ses filles3.


L'auteur, en admiration devant l'autosuffisance des foyers chinois, poursuivait en exaltant les vertus du système. En mettant à contribution les épouses et les filles à chaque étape de la production, le système était par nature plus flexible que le système britannique du putting-out et il créait moins de goulots d'étranglement. En effet, grâce à ce système de production domestique, à quelque époque de l'année que ce soit, tous les membres du foyer pouvaient être productifs d'une manière ou d'une autre.

Mais ce que l'auteur n'avait pas saisi, c'était la vertu des goulots d'étranglement. Comme l'a démontré Eli Whitney, un goulot d'étranglement crée une pression économique qui pousse les inventeurs de génie à essayer par tous les moyens de l'éliminer. C'est ce qui se passa à la fin des années 1770 quand un sévère goulot d'étranglement dans la chaîne de production du tissu de coton déclencha l'avènement du monde moderne.

Le filage du coton avec un rouet était beaucoup plus intensif en main-d'oeuvre que le tissage. Il fallait entre quatre et huit fileuses pour produire le fil approvisionnant un seul tisserand4. En 1845, Edward Baines observait


[qu’]il n'était pas inhabituel pour un tisserand de commencer sa journée par une tournée de 5 ou 6 kilomètres, rendant visite à une demi-douzaine de fileuses, avant qu'il ait collecté suffisamment de fil pour l'occuper jusqu’au soir5.


Le problème était aggravé par le fait que le filage restait une activité domestique d’appoint qui passait après les tâches agricoles. À la période des récoltes, les tisserands anglais avaient du mal à se procurer le moindre fil. Le goulot d'étranglement était d'autant plus grand que les progrès technologiques avaient amélioré la productivité du tissage : dès les années 1760, la navette volante était largement répandue, augmentant le nombre de fileuses nécessaires pour alimenter un seul métier à tisser. Ne sachant plus que faire, le gouvernement anglais organisa des concours et offrit des prix à ceux qui proposeraient des solutions au goulot d'étranglement du filage.

James Hargreaves releva le défi et déposa un brevet en 1770 pour sa machine à filer le coton (spinning jenny). La première fileuse mécanique comportait huit broches, multipliant instantanément par huit la quantité de fil produite par un seul ouvrier. En 1784, les fileuses mécaniques avaient 80 broches, et à la fin du siècle on était à plus de 100. La machine de Hargreaves n'est que l'une des nombreuses inventions très ingénieuses qui ont révolutionné la production de tissu de coton durant le demi-siècle qui l’a suivi. Et elles se sont succédées à une vitesse vertigineuse : la fileuse hydraulique (water-frame), la mule-jenny, la machine à vapeur… En 1832, en Angleterre, le fil de coton était vingt fois moins cher que dans les années 17806. La course vers le fond avait commencé.


* * *

Les machines à filer le coton donnèrent naissance à l'organisation industrielle et sont à l'origine d'un ordre économique totalement nouveau. Les ouvriers des usines avaient non seulement abandonné la production textile domestique, mais avaient abandonné aussi les activités agricoles. Ils avaient quitté les fermes pour venir s'installer dans les nouvelles zones urbaines. Les infrastructures nécessaires à cette nouvelle organisation industrielle se développèrent rapidement, depuis la finance et l'assurance jusqu'aux transports et aux moyens de communication. Des industries auxiliaires, comme la construction de machines textiles, les machines à vapeur, les produits chimiques, la production de fer, l'ingénierie mécanique apparurent aussi. Les nouvelles populations urbaines entraînèrent le développement du commerce de détail : l'alimentation, les boissons, les apothicaires, aussi bien que les vêtements et les ustensiles domestiques. La filature du coton est aussi la première activité manufacturière où les entreprises commencèrent à utiliser la structure légale de compagnie à capitaux souscrits par le public et à responsabilité limitée, qui est à l'origine de nos corporations modernes.

Plus généralement, l'innovation dans la production textile de coton est à l’origine du démarrage de l'économie moderne, conduisant à ce que l'historien économique W.W. Rostow a appelé « le décollage », après quoi la croissance économique et l’amélioration continuelles de la condition humaine sont devenues la norme dans nos vies. Avant la révolution de l'industrie textile britannique, la croissance économique était à peine perceptible. L'importance de l'industrie textile du coton dans le développement économique de l'Angleterre a été telle que Joseph Schumpeter a écrit que l'histoire industrielle de l'Angleterre entre 1787 et 1842 « peut se résumer à l'histoire de cette seule industrie7 ».


Main-d'œuvre recherchée : de préférence docile et désespérée


Les premiers ouvriers des usines de coton arrivaient non par choix mais par désespoir et car ils n’avaient pas d'alternative. La plupart des tâches dans les usines textiles demandaient peu de qualifications, si bien que beaucoup d'ouvriers étaient des enfants des « asiles de pauvres » envoyés gagner leur vie par les paroisses. Le travail dans les usines de coton permettait aux enfants d'être économiquement autonomes dès l'âge de cinq ans. Les usines attiraient aussi de la main-d'oeuvre, essentiellement féminine, venant du secteur agricole. À la suite du mouvement des enclosures, une grande partie de la population rurale, au XVIIIe siècle, n'avait plus accès à la terre, et les progrès de la productivité agricole avaient réduit les besoins de journaliers. Qu'il s'agît d'enfants sans parents ou de fermiers sans terre, une main-d'oeuvre abondante, bon marché et désespérée accompagna le développement du système industriel aussi sûrement que le fit la machine à vapeur8.

Les premiers propriétaires d'usines recrutèrent des enfants et des femmes venant de la campagne non seulement à cause de leur abondance et de leur faible coût, mais aussi parce que les propriétaires trouvaient qu'ils avaient un tempérament bien adapté aux tâches abrutissantes du début de l'industrie textile. Les industriels jugeaient les hommes plus difficiles que les femmes et les enfants ; ces derniers étaient été tout aussi productifs et créaient beaucoup moins de soucis. Un observateur écrivit qu'un maître


qui découvrait que les enfants et les femmes étaient des serviteurs bien plus obéissants pour sa personne et des esclaves tout aussi efficaces pour ses machines – était alors prêt à se passer de main d'oeuvre masculine adulte9.


Non seulement la main-d'oeuvre féminine était moins chère que la main-d'oeuvre masculine, mais les femmes « supportaient plus aisément une fatigue physique extrême10 ». Les femmes mariées ayant des enfants à nourrir étaient les meilleures, ainsi que l'explique un propriétaire d'usine :


[j'] emploie exclusivement des femmes pour faire tourner mes métiers à tisser... [et] ma préférence va sans conteste aux femmes mariées, surtout celles qui ont une famille dépendante à la maison ; elles sont attentives, dociles, plus que les femmes célibataires, et elles sont prêtes à aller au bout de leurs ressources physiques pour gagner de quoi vivre...11


Un autre propriétaire d'usine abondait dans le même sens, faisant remarquer qu'il préférait lui aussi les femmes pour leur docilité :


elles coûtent moins cher que les hommes, et il est plus facile de leur faire endurer une fatigue physique sévère, soit parce qu’elles ont la volonté méritoire de gagner un revenu supplémentaire pour soutenir leur famille, soit à cause de leur désir frivole de s'acheter des colifichets12.


Dès ses origines, l'industrie anglaise du coton s'est particulièrement développée à l'export. En 1800, elle vendait des vêtements de coton en Asie, en Europe continentale et sur les deux continents américains. C'est ainsi que le développement de cette industrie a non seulement stimulé le développement des industries auxiliaires, et plus généralement toute l'économie britannique, mais il a aussi alimenté la croissance tirée par l'exportation. Pendant la première moitié du XIXe siècle, les cotonnades représentaient près de la moitié des exportations anglaises, et à l'apogée de cette industrie l'Angleterre fournissait la moitié de la demande mondiale de vêtements de coton13. Le monopole britannique sur le commerce mondial de coton commença à s’effriter dès la fin du XIXe siècle, cependant la Grande-Bretagne resta le premier exportateur mondial de cotonnades jusque dans les années 1930.

Les Britanniques étaient néanmoins conscients du caractère économiquement précaire d'une activité qui consistait à faire venir le coton des États-Unis ou d'Inde, à le transformer, et à le revendre sous forme de vêtements aux pauvres de ces mêmes pays. La domination des Anglais était assurée tant qu'ils étaient les seuls à disposer des nouvelles technologies textiles. C'est pourquoi la technologie textile britannique acquit bientôt la plupart des caractéristiques d'une activité de contrebande. La Grande-Bretagne interdit non seulement l'exportation de machines textiles, mais même de plans ou de dessins. Pour rendre la protection plus hermétique, l'Angleterre interdit aux ouvriers textiles qualifiés de quitter le pays car ils auraient pu apporter des idées à l'étranger.

Aujourd'hui, les défenseurs de la Chine sont prompts à rappeler que la puissance industrielle américaine repose initialement sur des violations de droits de propriété intellectuelle. Cela est bien illustré par « l'acte de piraterie industrielle époustouflant » perpétré par Francis Cabot Lowell, un patricien de Boston, dans le Massachusetts14.

En 1810, Lowell se rendit en Angleterre avec sa femme et ses jeunes fils. Les Anglais n’avaient aucune raison de le soupçonner d'espionnage industriel. Au contraire, comme l'écrit l'historien Robert Dalzell, Lowell « a dû apparaître aux gens qu'ils rencontraient pour ce qu'il était officiellement : un homme d’affaires américain aux manières policées, disposant d'un bon réseau, qui voyageait en Europe... pour raisons de santé15 ». Seuls certains de ses proches amis connaissaient l'objectif réel et audacieux de son voyage : faire de l'espionnage industriel pour rapporter en Amérique les technologies des usines textiles16. Grâce à ses capacités mathématiques remarquables, Lowell mémorisa les détails les plus importants du métier à tisser à moteur d’Edmund Cartwright, et les rapporta dans le Massachusetts. Même si le forfait de Lowell fut exceptionnel pour assurer à l'Amérique la maîtrise de la technologie très recherchée du métier à tisser motorisé, des technologies complémentaires arrivèrent aux États-Unis durant cette période par différents canaux, le plus souvent transportées dans le cerveau d'artisans britanniques qualifiés qui étaient parvenus à franchir les barrières à l'émigration. Dès 1812, pratiquement toutes les technologies importantes dans la production textile de coton avaient été transférées en Nouvelle-Angleterre17.

C’est ainsi que la production de textiles de coton, comme cela s'était déjà produit en Angleterre, déclencha la Révolution industrielle en Amérique. Et, de la même manière encore, cela stimula en parallèle la croissance de l'urbanisation, des infrastructures économiques et des industries auxiliaires. De gigantesques usines textiles, d'une taille encore jamais vue et qu'on ne reverrait plus, apparurent bientôt le long des rivières des États du Massachusetts et du New Hampshire. Les usines américaines produisaient un tissu de coton standardisé et bon marché, bien adapté aux vêtements des esclaves du Sud, des fermiers des États de la Côte Est, et des pionniers de l'Ouest. Les usines de la Nouvelle-Angleterre s'emparèrent du marché de masse américain en croissance et profitable, contrôlé jusqu'alors par l'Angleterre. Il ne resta à cette dernière que le marché plus petit des articles de fantaisie. À la fin du XIXe siècle, les plus grandes usines textiles du monde étaient en Nouvelle-Angleterre. La plus grande d'entre elles, l'usine Amoskeag, sur la rivière Merrimack dans le New Hampshire, avait 650 000 broches, 17 000 employés, et produisait 800 kilomètres de tissu de coton par jour18. Au début des années 1900, les États-Unis avaient surpassé la Grande-Bretagne dans la production de tissu, et la domination du commerce international par les Britanniques diminua rapidement (voir figure 5.1) 19.

Source : Robson 1957, pp 332-333, données correspondant à la première année de chaque décennie


Figure 5.1 Exportations anglaises d’articles en coton, 1800 à 1950


La Nouvelle-Angleterre avait pris la première place dans la course vers le fond, et l'âge d'or des manufactures de coton britanniques était terminé. Alors que dans les années 1820 les États-Unis et l'Europe avaient absorbé près de 70 % des exportations anglaises, à la fin du siècle ils ne représentaient plus que 8 %. Par chance pour les Anglais, l'Asie ne mécaniserait pas sa propre production textile avant longtemps, si bien qu'une bonne partie des pertes sur les marchés américain et européen furent compensées par un surcroît d’exportations vers l'Inde et la Chine. Cependant, même si la Grande-Bretagne allait encore rester le premier exportateur mondial pendant les trois premières décennies du XXe siècle, l'Amérique avait mis un terme à sa position unique au sommet de l'industrie textile mondiale. La rentabilité de la production textile de coton en Angleterre déclina régulièrement tout au long du XIXe siècle. Les exportations de tissu anglais culminèrent en 1912. Aujourd'hui, la Grande-Bretagne n'est plus un exportateur significatif de textiles et d'habillement.

Comme leurs prédécesseurs anglais, les ouvriers des usines de Nouvelle-Angleterre venaient des « surplus » de main-d'oeuvre sans alternative. Dans les premières usines textiles de Nouvelle-Angleterre c’étaient, pour la plupart, des jeunes femmes célibataires issues des milieux ruraux de Nouvelle-Angleterre et du Canada qui ne pouvaient pas aider à faire vivre leur famille autrement qu'en quittant la ferme et en allant grossir les rangs des « filles des filatures ». Les conditions de travail étaient meilleures que dans la fameuse « usine noire et satanique » de Dickens*, mais peu s'en faut. Les ouvrières travaillaient plus de 70 heures par semaine dans une atmosphère humide et suffocante. Une cloche les réveillait à 4 heures 30 chaque matin, et elles n'avaient qu'une brève pause pour les repas. On vantait l'humanité de ces usines où la journée de travail ne durait que douze heures, car une telle bienveillance « offrait aux jeunes filles la possibilité de se laver, de faire du raccommodage, ou de lire20 ». C'était une pratique fréquente, néanmoins, de retarder les pendules des usines pour allonger la journée de travail21. Les conditions dans les usines ne soutenaient pas la comparaison avec la vie dans les prisons : un médecin fit observer que les heures de travail en prison étaient plus courtes, les pauses pour les repas plus longues, et l'aération bien supérieure22. Les ouvrières des usines textiles déposèrent elles-mêmes une pétition dans la ville de Lowell, dans le Massachusetts, pour expliquer que les conditions de travail, à cause de la pénibilité, des maladies et des privations, condamnaient les employées à une mort prématurée23.

La plupart des ouvrières des usines de Nouvelle-Angleterre étaient logées dans des pensions dirigées par des matrones employées par les entreprises. Le peu de temps dont elles disposaient en dehors du travail était presque autant surveillé qu'à l'usine. L’assistance à la messe dominicale est obligatoire, et la pureté morale était exigée pour garder son travail. Dans une des usines, la liste des causes de renvoi incluait la légèreté, le mensonge, l'insolence et l'hystérie. Le simple fait d'être soupçonnée d'immoralité était suffisant pour que les autres ouvrières et l’encadrement vous évitent24.

Comme les Anglais, les industriels américains avaient une idée bien définie du type d'ouvriers qu'ils souhaitaient employer. Francis Cabot Lowell pensait que les jeunes femmes, puisqu'elles étaient « inutiles » à la ferme, seraient particulièrement « dociles et malléables ». De plus, en les occupant dans les usines, on réduisait la probabilité qu'elles soient tentées par l'impureté ou d'autres mauvaises habitudes25. Plus tard les usines de Nouvelle-Angleterre préférèrent les jeunes femmes venant du Canada français. Les propriétaires les trouvaient « dociles, industrieuses et stables » avec l'avantage supplémentaire que leur strict catholicisme les conduisaient à avoir de grandes familles26.


* * *


Ainsi, tandis que les usines anglaises avaient puisé leur main-d'oeuvre parmi les enfants indigents et les ouvriers agricoles chassés des campagnes, les usines de Nouvelle-Angleterre employaient les « filles des filatures » issues de milieu rural – souvent des enfants aussi – et plus tard des immigrants. Dans les deux cas, la croissance de l'industrie textile du coton dépendait d'une abondance de pauvres avec peu d'alternatives, et, dans les deux cas, l'ouvrier « idéal » était robuste, docile et ne se plaignait jamais. La fabrication de textiles et de vêtements, aux débuts de cette activité industrielle, ne demandait ni créativité ni intelligence, seulement une grande résistance physique et mentale pour effectuer les tâches répétitives et épuisantes.

Dans la course vers le fond, l'âge d'or des manufactures textiles de Nouvelle-Angleterre allait durer beaucoup moins longtemps que celui d'Angleterre. Entre 1880 et 1930, la production textile de coton en Nouvelle-Angleterre diminua progressivement. Elle se déplaça vers le Sud et s'implanta dans la région du Piedmont en Caroline du Nord27. Le principal attrait du Sud était les coûts salariaux plus bas : ceux de l'industrie textile en Caroline du Nord, durant cette période, étaient généralement entre 30 et 50 % plus bas que ceux payés par les industriels textiles du Massachusetts28. Les ouvriers du Sud étaient un peu moins productifs, mais la différence de salaires rendait quand même leur travail moins coûteux. Les avantages de coût dans le Sud ne s'expliquaient pas seulement par des coûts de main d’œuvre moins élevés, les conditions de travail étaient aussi moins bonnes. En outre, les limitations réglementaires ou culturelles concernant le travail des enfants ou la durée de la journée de travail étaient beaucoup moins contraignantes dans le Sud qu’en Nouvelle-Angleterre. Le recours au travail des enfants était plus fréquent dans l'industrie textile que de n'importe quelle autre industrie. Et il était quatre fois plus important dans le Sud que dans le Nord29. Au début du XXe siècle, plus de 60 % des ouvrières travaillant dans les usines de coton du Sud avaient moins de 14 ans30. En définitive, les ouvrières des usines du Sud étaient encore plus « dociles et malléables » que celles du Nord, un facteur au moins aussi important que le niveau salarial dans l'avantage comparatif de cette industrie31. En un mouvement préfigurant les tentatives actuelles d'établir des standards de travail pour l'ensemble des pays de la planète, les industriels de Nouvelle-Angleterre expliquèrent que le seul espoir pour préserver leur activité était de convaincre le législateur d'imposer un cadre légal aux conditions et aux horaires de travail dans l'ensemble du pays, de telle sorte que les usines du Sud ne puissent plus tirer de l'absence de protection des ouvriers un avantage concurrentiel32.

De même qu’au début du XIXe siècle dans les usines de Nouvelle-Angleterre, les ouvriers et l’encadrement dans les usines du Sud n'avaient pas le niveau de qualification nécessaire pour pouvoir se battre sur le marché des tissus haut de gamme. Tandis que les usines de Nouvelle-Angleterre et des États de la partie centrale de la Côte Est, entre la Pennsylvanie et le Delaware, qui avaient plus d'expérience, se spécialisaient graduellement vers des produits plus sophistiqués, les usines du Sud profitaient de leur avantage pour satisfaire la demande sur le marché américain pour des tissus de coton grossiers et robustes. Cependant, la réussite la plus remarquable du Sud a été sans conteste de mettre un terme à la suprématie britannique en Asie.

Dès leur origine, les usines du Sud firent de gros efforts à l'exportation. Et à la fin du XIXe siècle elles délogeaient systématiquement leurs concurrents anglais des marchés asiatiques. Les exportations vers le marché chinois ont sans doute été, avant 1900, le facteur primordial dans le développement de l'industrie textile du Sud. Comme l'industrie textile asiatique avait tout juste commencé de se mécaniser, et que les Chinois appréciaient le tissu grossier et durable fabriqué par les usines du Sud des États-Unis, la Chine fut pour le Sud un immense marché où la concurrence des exportateurs britanniques, qui avaient des coûts plus élevés, était facile à vaincre. Durant les dix années entre 1888 et 1897, les exportations des usines textiles du Sud vers la Chine firent plus que doubler33. À la fin du XIXe siècle, la Chine achetait plus de la moitié des exportations américaines de vêtements, et plus de la moitié de ces exportations vers la Chine était des cotonnades provenant essentiellement des producteurs du Sud34. Plusieurs usines du Sud écoulaient presque toute leur production en Chine35. On peut dire que le marché chinois a littéralement bâti les usines textiles de la région du Piedmont en Caroline du Nord. Un voyageur rapporta à son retour de Chine que durant ses pérégrinations à travers le pays, « il n’y avait pas le moindre patelin en Orient où je ne trouvais pas des produits du Piedmont36 ».

Les flots de cotonnades chinoises bon marché qui submergent les États-Unis aujourd'hui sont presque l'exact symétrique de ce qui se passait il y a un siècle.

Une fois de plus, les textiles de coton furent le catalyseur de l'industrialisation de toute une région. Les usines de coton furent les premières usines du Sud des États-Unis, et les villages dépendant économiquement d'une seule usine, qui devinrent bientôt des villes, permirent à l'économie du Sud de se diversifier en dehors de l'agriculture et stimulèrent le développement des industries auxiliaires. Avant longtemps, le Sud devint lui aussi capable de produire des articles plus raffinés et commença à s'emparer de la partie haut de gamme du marché intérieur américain aux dépens de la Nouvelle-Angleterre. Pendant les 50 années entre 1880 et 1930, les usines textiles de Nouvelle-Angleterre fermèrent les unes après les autres pour réapparaître dans le Sud. Au milieu des années 30, les trois quarts des broches de filatures américaines se trouvaient dans le Sud37.

Comme cela avait été le cas auparavant en Angleterre, puis en Nouvelle-Angleterre, la plupart des premiers ouvriers des usines textiles du Sud étaient issus des rangs des pauvres ayant quitté la campagne. Beaucoup de ces ouvriers étaient d'anciens sharecroppers de coton, gravement frappés par la baisse des prix, le charançon du coton, ou le déplacement de la culture américaine de coton vers les exploitations mécanisées de l'Ouest du Texas. Melvin Copeland, un professeur de Harvard au début des années 1900, utilisait tour à tour pour parler des ouvriers du Sud les termes de « blancs miséreux », « bouseux » ou « ploucs », et on avait l'impression qu’il se pinçait le nez quand il décrivait les ouvriers des usines textiles du Sud qui étaient venus des fermes et des montagnes alentour. Les ouvriers des usines


tiraient leur maigre subsistance de sordides lopins de terre désolée et de ce qu'ils pouvaient chasser avec leur fusil. Leur alimentation était simple et sans abondance, leurs vêtements rudimentaires, et leur maison une cabane au sol en terre battue... Ils ne s’intéressaient ni à la littérature ni aux distractions... La grande majorité d'entre eux étaient imprévoyants38.


Tandis que Copeland poursuit en critiquant à peu près tout à leur sujet, depuis leur cuisine jusqu'à leur apparence vestimentaire et leur hygiène, il concède néanmoins que, pour les besoins en main-d'oeuvre non qualifiée des usines textiles, ils faisaient l'affaire : « Bien que manquant de vivacité d’esprit, de capacité à prévoir et d'ambition, ils convenaient néanmoins bien pour la vie à l'usine39. »

Au début du XXe siècle, dans le Sud, les fillettes entraient à l'usine à l'âge de sept ans et travaillaient plus de 60 heures par semaine. Elles avaient peu ou pas d'éducation, une mauvaise alimentation, elles vivaient dans des logements surpeuplés, et travaillaient dans un environnement hostile quand il n'était pas violent40. Quatre générations de femmes du Piedmont ont peut-être travaillé dans l’usine textile de coton qui faisait vivre leur bourgade41.

Mais alors que les usines du Sud étaient en train de gagner une victoire décisive contre les vieilles usines du Nord, un nouveau concurrent se profilait à l'horizon dans la course vers le fond. Au milieu des années 1930, le Japon assurait déjà environ 40 % des exportations mondiales de cotonnades42. Bien que la domination japonaise émergeât un bon siècle après celle de la Grande-Bretagne, le rôle des textiles de coton dans le développement de l'industrie japonaise a été aussi important pour le Japon qu'il l'avait été pour l'Angleterre. À la fin des années 1920, plus de la moitié des ouvriers de l'industrie japonaise travaillaient dans le textile, et les produits textiles représentaient les deux tiers des exportations du pays43. L'économie anglaise s'était depuis longtemps diversifiée quand les usines textiles de coton du Japon d'avant guerre représentaient encore la seule industrie développée servant un marché globalisé. Et, bien que plus de 90 % de la capacité en filature du Japon eût été détruite durant la Seconde Guerre mondiale, dès les années 1950 le Japon avait retrouvé sa première place44.

Suivant le même schéma historique maintenant familier, la domination industrielle du Japon reposait sur des coûts de main-d'oeuvre très bas et des conditions de travail misérables. L'industrie textile japonaise mettait fréquemment aussi au travail une équipe de nuit, ce qui doublait la productivité capitalistique des investissements45. Des chercheurs dépêchés, au début du XXe siècle, par le gouvernement américain pour étudier l'industrie textile japonaise établirent que les coûts salariaux dans les usines de coton étaient entre 20 et 47 % plus bas que les coûts salariaux aux États-Unis et en Angleterre, même en tenant compte des différences de productivité46.

Les ouvriers des premières usines textiles de coton au Japon étaient des jeunes femmes qui échappaient ainsi à un niveau de vie de subsistance dans les campagnes. Elles étaient poussées vers les usines à la fois par la pauvreté rurale et par les catastrophes naturelles. Des agents de recrutement sillonnaient régulièrement les régions qui venaient de subir une inondation, ou de connaître une famine, ou bien où un tremblement de terre venait d’avoir lieu. De telles catastrophes naturelles frappaient malheureusement le Japon rural avec une tragique régularité, et offraient chaque fois d'excellentes possibilités d'embaucher des jeunes femmes désespérées47. Les responsables des usines textiles avaient une forte préférence pour les migrants ruraux par opposition aux populations d’origine urbaine ou suburbaine qu'ils trouvaient frivoles et peu résistantes. D'après l'Alliance Professionnelle des Filatures de Coton du Japon, l'ouvrier idéal, pour une usine de coton, était « sans grande éducation, mais honnête et très endurant48 ». Ou, comme l'a formulé un autre responsable, les femmes venant de la campagne étaient préférées car elles étaient « naïves et soigneuses49 ». Un observateur américain était admiratif en voyant comme les jeunes femmes dans les usines japonaises étaient « dociles, vives et adroites50 ».

Source : Park et Anderson, 1991, p. 536.


Figure 5.2 : Exportations japonaises de textiles et d’habillement, pourcentage des exportations totales du Japon.


On parlait des ouvrières des usines de coton dans le Japon d'avant-guerre comme « d'oiseaux en cage », étant donnés leurs horaires de travail exténuant – 12 heures de travail par jour, deux jours de repos par mois – et leur vie prisonnière entre l'usine et la pension de la compagnie51. Dans la plupart des cas, les opératrices étaient attachées à une usine pour une période de trois à cinq ans, dans le cadre d'un contrat pas très éloigné de la servitude. Dans les dortoirs surpeuplés, les jeunes femmes partageaient non seulement les lits mais parfois même les pyjamas. Elles étaient confinées sur place par des clôtures au sommet desquelles était fichées des piques en bambou et du fil de fer barbelé. La nourriture était tout juste suffisante, l'état sanitaire déplorable, et les maladies très fréquentes52.

Alors qu'à bien des égards, dès le début du XIXe siècle, la production textile était déjà une industrie globalisée, ce n'est pas avant le milieu du XXe siècle qu'un important flux d'échanges internationaux se développa aussi dans l'habillement. Dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, le Japon était le leader dans les deux secteurs, mais dès les années soixante la part du Japon dans le commerce mondial de textiles et d'habillement commença à décliner (voir figure 5.2). De nouveaux concurrents dans la course vers le fond offraient des coûts de main-d'oeuvre encore plus bas et une docilité encore plus grande.

Dans les années 70, les Pays Nouvellement Industrialisés (PNI) d'Asie, c'est-à-dire Hong Kong, la Corée du Sud et Taïwan, avait dépassé le Japon dans la course vers le fond et étaient les nouveaux leaders des industries du textile et de l'habillement53.

Au milieu des années 70, Hong Kong était le premier exportateur mondial de vêtements. Son industrie manufacturière ciblait la partie bas de gamme des marchés occidentaux de vêtements. En 1976, le textile et l'habillement représentaient approximativement la moitié des emplois à Hong Kong et la moitié des exportations54. En 1980, l'année du pic d'emploi dans cette industrie, près de 400 000 ouvriers travaillaient dans les industries du textile et de l'habillement de Hong Kong55. La main-d'oeuvre bon marché, et pour la plus grande part non qualifiée, – dont beaucoup de réfugiés ayant fui la famine dans les régions rurales de Chine populaire – alimenta aussi le développement d'autres industries légères. Dans un mouvement similaire, à Taïwan et en Corée des flots de jeunes femmes venant du milieu rural se déversaient dans les sweatshops, où elles filaient, tissaient, tricotaient et cousaient, bâtissant la croissance économique miraculeuse de ces pays. Au milieu des années 70, le textile et l'habillement représentaient 35 % des exportations coréennes. Et, à Taïwan, les deux secteurs employaient plus de 20 % des ouvriers des zones franches consacrées à l'export56. Une fois de plus, la destinée de l'industrie était largement guidée par les coûts salariaux : les salaires des ouvriers textiles dans ces pays représentaient environ 7 % du niveau des salaires aux États-Unis et peut-être 15 % de leur niveau au Japon57. Une fois encore, les admirateurs autant que les critiques étaient stupéfiés par la docilité et l'attitude industrieuse des femmes de milieu rural n’ayant pas d’alternative.

Mais, non loin de là, Mao Tsé toung était moribond. La Chine était en train de s’éveiller et de sortir du cauchemar de la Révolution culturelle. Les niveaux de salaires y étaient peut-être 90 % plus bas qu’à Hong Kong. Et surtout, la Chine avait des millions et des millions de jeunes femmes – adroites, vives, et aussi dociles que désespérées – qui voulaient plus que tout quitter la ferme.



Notes du chapitre 5 :


  1. Pour des indicateurs comparatifs de développement, voir Pomeranz, The Great Divergence.

  2. Voir Blue, “China and Western Social Thought in the Modern Period”.

  3. Chao and Chao, The Development of Cotton Textile Production in China, 28.

  4. Cité dans Dodge, Cotton: The Plant That Would be King, 21.

  5. Ibid.

  6. Deane, The First Industrial Revolution, 92.

  7. Ibid., 87.

  8. Une discussion récente des politiques de l’emploi dans les premières usines textiles anglaises se trouve dans Rose, Firms, Networks and Business Values.

  9. Pinchbeck, Women, Workers and the Industrial Revolution, 188.

  10. Ibid., 190.

  11. Ibid., 194.

  12. Ibid., 190.

  13. Robson, The Cotton Industry in Britain, Table A2, 334 ; Bazely (1854) cité dans Farnie, The English Cotton Industry and the World Market.

  14. Dalzell, Enterprising Elites, 5.

  15. Ibid., 5.

  16. Ibid.

  17. Rose, Firms, Networks, and Business Values, 41.

  18. http://www.psnh.com/AboutPSNH/EnergyPark/Amoskeg.asp, consulté le 27 janvier 2004. Voir Hareven and Langenbach, Amoskeag: Life and Work in an American Factory City, pour compte-rendus d’histoires racontées oralement par d’anciens ouvriers d’Amoskeag.

  19. Rose, Firms, Networks, and Business Values, 198.

  20. Cité dans Ware, The Early New England Cotton Manufacture, 249.

  21. Ibid., 250, 252.

  22. Ibid., 252.

  23. Ibid., 251.

  24. Voir Josephson, The Golden Threads, pour une des premières études sur le contrôle social des filles des filatures en Nouvelle-Angleterre. Un éclairage supplémentaire est fourni par les lettres rassemblées dans Dublin, Farm to Factory.

  25. Josephson, The Golden Threads, 23.

  26. Hareven and Langenbach, Amoskeag, 20.

  27. Kane, Textiles in Transition, présente une étude minutieuse de la migration de l’industrie textile américaine de la Nouvelle-Angleterre vers le Sud.

  28. Pour une analyse des différentiels de salaires entre les usines du Nord et celles du Sud, voir Wright, “Cheap Labor and Southern Textiles”, et Kane, Textiles in Transition.

  29. Holleran, “Child Labor and Exploitation in Turn-of-the-Century Cotton Mills”.

  30. Saxonhouse and Wright, “Two Forms of Cheap Labor in Textile History”.

  31. Hearden, Independence and Empire, 125.

  32. Ibid., 102-103.

  33. U.S. Department of State (Ministère américain des Affaires étrangères), cité dans Hearden, 66.

  34. Ibid., 129.

  35. Hearden, 128-129.

  36. Ibid., 129.

  37. Mitchell (The Rise of Cotton Mills in the South), cité dans Rose, Firms, Networks and Business Values, 204.

  38. Copeland, The Cotton Manufacturing Industry of the United States, 40-41.

  39. Ibid.

  40. Byerly, Hard Times Cotton Mill Girls, 45.

  41. Ibid., 3.

  42. Robson, The Cotton Industry in Britain, 4.

  43. Dester, Fukui and Sato, Textile Wrangle, 29.

  44. McNamara, Textiles and Industrial Transition, 36-37.

  45. Chokki, “Labor Management in the Cotton Spinning Industry”.

  46. Moser, The Cotton Textile Industry of Far Eastern Countries, 13.

  47. Tsurumi, Factory Girls, 107.

  48. Ibid., note 1, 121.

  49. Cité dans Chokki, “Labor management”, 8.

  50. Moser, The Cotton Textile Industry of Far Eastern Countries, 16.

  51. Voir Chokki, 160, et Tsurumi, chapitre 8.

  52. Pour des descriptions des conditions de travail dans les premières usines textiles japonaises, voir Tsurumi (1990).

  53. Des analyses admirables des déplacements géographiques des industries du textile et de l’habillement, à la recherche des coûts les plus bas, se trouvent dans Anderson, New Silk Roads.

  54. Beazer, The Commercial Future of Hong Kong, 61, 67.

  55. Berger and Lester, Made by Hong Kong, 142.

  56. Song, The Rise of the Korean Economy, 105 ; Scott, “Foreign Trade”, 337.

  57. Scott, “Foreign Trade,” 360.

* Ateliers où les ouvriers sont exploités dans des conditions proches de la servitude. (N.d.T.)

* L’origine de l’expression est un poème de William Blake. (N.d.T.)